Car en plus des connaissances et de l'expérience, pour être un bon vétérinaire, je considère que l'émotionnel compte beaucoup. Je m'attache très vite à mes patients. Je m'implique.
Je sais qu'il ne faut pas trop s'impliquer, mais je suis comme ça. Quand ça va mal, je fais tout ce que je peux (dans la mesure du raisonnable et du souhait des propriétaires, et quand ils y croient à fond, j'y crois au maximum avec eux, peut être parfois un peu trop, et je pense que c'est une des choses que je vais devoir améliorer avec le temps: savoir renoncer, quand il n'y a plus d'espoir, même si c'est un patient que je pensais pouvoir soigner.
Je vais vous raconter un cas dont je suis fière, pas tant par sa complexité (car il ne l'est pas vraiment) mais parce que ayant trouvé tout de suite ce que le chat avait depuis un long moment, mon traitement lui a redonné une seconde jeunesse, et la propriétaire elle même n'aurait pas espéré tout ce mieux ! j'ai fait 3 heureux: moi, le chat, et sa maîtresse. Et je suis contente de voir à quelle rapidité son état s'est amélioré (je ne pensais pas voir des résultats aussi rapidement, vu que c'est une première pour moi).
Rem: j'ai déjà dû voir d'autres chats souffrant de la même chose, mais avant je travaillais dans le 93 et on ne pouvait pousser les examens complémentaires très loin, pour des raisons essentiellement financières, et en plus, mes patrons prenaient en général tous les cas un peu compliqués, même quand c'était moi qui les voyait au moment de leur première visite. Parfois, je préférais de toute façon, car étant inexpérimentée, je n'avait pas toujours les idées et hypothèses diagnostiques que j'ai instantanément aujourd'hui.
Commémoratifs:
J'ai vu il y a 2 mois en consultation une chatte de 11 ans pour diarrhée très liquide. L'administration d'un antibiotique intestinal et d'un vermifuge n'a permis d'améliorer que temporairement (et incomplètement) les choses.
La dame m'explique que la chatte a un appétit capricieux, elle ne veut plus de ses croquettes senior, elle a donc dû changer de marque. Mais bon, un changement alimentaire ne donnerait pas une diarrhée si liquide, et qui dure plus de 10 jours.
ANTECEDENTS:
Etant "remplaçante" ou "assistante", les termes changent suivant les cliniques, je consulte les antécédents de la chatte, histoire de ne pas louper quelque chose:
- 15 jours avant la chatte a été amenée pour vomissements chroniques. Une prise de sang a révélé une augmentation des enzymes hépatiques (ALAT à 234) La chatte reçoit un traitement pour soutenir la fonction hépatique.
- 5 jours avant la visite, la chatte revient pour "traces de sang dans les selles"; Elle reçoit un vermifuge et un antibiotique (mais la dame a des difficultés à lui donner). Il n'y a plus de sang dans les selles lors de la consultation.
- je regarde le poids, car la dame me précise qu'elle a maigri, que c'est une "ancienne grosse" : et en effet, je remarque qu'elle a perdu 1kg en 3 mois ! Et en fouillant un peu plus, je constate que l'amaigrissement a commencé en 2007. On ne perd pas du poids juste comme ça, avec l'âge, je commence à flairer un problème insidieux qui commence seulement à se manifester extérieurement. Elle faisait plus de 5 kilos et fait maintenant 3,2 kg.
EXAMEN CLINIQUE:
La chatte n'est pas très grosse, l'appétit est fluctuant, parfois elle se jette sur sa nourriture, parfois elle ne mange quasiment pas de le journée.
Son poil est terne, elle a des vomissements chroniques, et depuis une bonne semaine, une diarrhée persistante, très liquide. Elle est un peu déshydratée.
L'abdomen est souple, non douloureux, et il n'y a rien d'anormal à la palpation mis à part qu'on sent bien que les anses ont un contenu liquidien.
Sa température ets de 39,4°C.
Lors de la prise de température, elle se met à respirer gueule ouverte. La dame me signale que ça lui arrive quand elle est énervée ou stressée...
L'auscultation est normale.
Il y a une alarme "hyperthyroïdie" qui se met à sonner au fur et à mesure de mon examen clinique.
Je tente donc une palpation des thyroïdes, personnellement, ce serait une première, mais il paraît qu'elles sont palpables chez 90% des chats hyperthyroïdiens alors après tout...
Et incroyable: j'ai un nodule thyroïdien à gauche !!!
HYPOTHESES:
Tout cela oriente bien sur une hyperthyroïdie, mais il faut confirmer par une prise de sang, et voir s'il n'y a pas autre chose en plus. En attendant, je lui prescrit un traitement symptômatique pour la diarrhée, et une alimentation hyperdigestible.
Mes principales hypothèses sont donc :
- hyperthyroïdie ( +/- Hypertension artérielle responsable des crises de polypnée?)
- lymphome digestif
- insuffisance rénale, hépatique, pancréatite chronique...
- maladie inflammatoire chronique des intestins
Je décide donc de faire une prise de sang pour confirmer l'hyperthyroïdie et voir s'il y a autre chose.
Résultats de la prise de sang:
Hyper-méga-giga- hyperthyroïdie: T4 à plus de 300, au delà des normes de l'appareil donc !
En plus de cela, les paramètres hépatiques sont anormaux: augmentation des enzymes hépatiques, des PAL, et petite insuffisance hépatique aussi car petite augmentation de la bilirubine.
NFS dans les normes
TRAITEMENT:
Je commence par du Félimazole à 2,5mg/kg matin et soir (la chatte n'étant pas toute jeune, je craint de révéler une insuffisance rénale qui était compensée par l'hyperthyroïdie). J'y ajoute un complément alimentaire pour soutenir la fonction hépatique.
SUIVI:
1 mois plus tard, la chatte va beaucoup mieux, son poil redevient joli, elle a déjà repris 600 grammes, et son appétit est redevenu normal.
Il n'y a plus du tout de vomissements, mais encore un peu de diarrhée (mais sans comparaison avec ce qu'elle avait avant)
Je refais un bilan sanguin:
La T4 a diminué mais est encore trop élevée: on passe à 5mg de Felimazole matin et soir.
Les paramètres hépatiques se sont tous normalisés !!!
J'ai eu la dame au téléphone lundi, et après 3 semaines de traitement à 5mg matin et soir, la chatte va encore mieux. Elle n'a plus de diarrhée du tout, elle a retrouvé son appétit d'avant, et continue de reprendre du poids.
La dame est ravie. Son chat, qui ne mangeait plus beaucoup, maigrissait à vue d'oeil, et semblait sur une mauvaise pente, va super bien, et en plus, elle prend les médicaments sans problèmes au grand étonnement de sa propriétaire.
La dame ne souhaite pas de traitement définitif plus invasif (chirurgie notament) puisque la chatte prend bien ses comprimés, que le traitement fonctionne bien, et que les examens à faire avant la chir et la chirurgie elle même sont onéreux.
Moi aussi je suis contente: je l'ai "guérie" ! Et la dame est heureuse de retrouver sa chatte comme elle était avant ! Elle était très préoccupée par cette dégradation progressive.
C'est la première fois que j'ai un cas d'hyperthyroïdie que je traite et que je peux suivre (merci ma patronne qui m'a laissé cette chance: "bien vu l'hyperthyroïdie" qu'elle m'a dit, "et comme c'est vous l'avez diagnostiqué, je vous ai mis le rendez vous de suivi un jour où c'est vous qui êtes là". C'est pas tous les patrons qui sont comme ça, croyez moi ! )
Voilà, je suis contente de moi.
Ce n'est pas un cas exceptionnel, mais j'ai eu l'idée de rechercher une hyperthyroïdie qui n'avait jusqu'alors pas été suspectée. Et elle répond bien au traitement. Bref, le cas d'école !